Il existe, au sein de l’art du portrait photographique, diverses logiques capables de donner à voir une vérité qui n’est pas d’apparence mais d’incorporation. Martial Rossignol l’explore lorsque le visage (entre autres) apparaît sortant de limbes, de brumes ou de liquides amniotiques. Le corps est ainsi plus dans qu’à l’image. La « visagéité » et la « corporéité » sortent d’un ailleurs et le photographe montre comment il se fraye une issue à travers divers « tissus » transparents ou opaques. Soudain naît la trace et l’ajour d’une existence jusque-là prisonnière. Martial Rossignol ne cherche pas à satisfaire le regard par des images accomplies, arrêtées, mais par le gonflement progressif de leur vibration ou parfois l’amorce de leur extinction.
C’est un univers photographique aux techniques composites, là où la femme (car c’est bien d’elle qu’il s’agit) comme Vénus naît de divers flots.
C’est autant le monde de l’hypnose que de la gestation et de la présence, comme si – au sein de ces modalités – chaque portrait s’appuyait sur l’éclat des lumières étouffées dans l’empreinte d’une multitude fractionnée ou le balbutiement d’une ombre et ses points d’appui. Le photographe prouve comment le visage et le corps à la fois s’envisagent et se dévisagent. Il revisite ainsi toute une tradition aussi photographique que picturale. Demeure ce qu’il en est de l’identité, de l’anonymat ou de la reconnaissance. Chaque épreuve devient un tableau qui joue sur la notion de cliché qu’elle brouille par les manipulations et mises en scène de l’artiste. Lui travaille la présence avec un érotisme froid qui perturbe notre regard et ses habitudes de reconnaissance.
De l’ensemble émane non un patchwork mais un acte de foi d’un amasseur de visages capables de sortir de gouffres des féeries plus ou moins glacées. En vrai portraitiste, mais d’un genre particulier, Martial Rossignol s’élève face au désastre croissant de l’imaginaire pour faire surgir des présences en naissance par éclosions dégagée de divers contours. Il y a là cristallisation… une scintillation contre l’obscur. Il faut savoir contempler de telles œuvres comme un appel intense à une traversée. Chaque femme devient un oiseau qu’un chat surveille – avec attention et non sans amour. Le tout en feignant de devenir aussi un ange ou un violon.