Plasticienne et commissaire d’exposition française, Camille Masson Talansier utilise comme médias la peinture, la gravure, la photographie et les installations. Née en Indonésie, elle a vécu en Australie, en France et en Géorgie. Son point d’attache est le Pays Basque. Sa source d’inspiration relève de la nature et de ses structures sous-jacentes, de la transmission et de la conservation du patrimoine.
OPENEYE : Quelle histoire voulez-vous raconter à travers ce reportage, au fin fond de la Carélie russe ?
Camille Masson Talansier : De la Russie j’en connaissais déjà l’histoire de la Révolution Russe ; les famines organisées, la Terreur, la Révolution qui mange ses petits mais de la Carélie pas grand-chose. C’est vers la fin de ma résidence d’artiste à Petrozavodsk en 2015 que je me suis rendue compte en traversant les étendues désolées caréliennes et d’Arkhangelsk à quel point nous marchions sur les os brisés des zeks, des prisonniers politiques bannis et oubliés. « Grattez un peu et vous trouverez les os des fusillés » disent les habitants de Solovki. J’étais au coeur du goulag, celui décrit par Alexandre Soljenitsyne. C’est là que je me suis rendue compte qu’il y avait une partie de l’histoire qui demeurait invisible. Cela m’amène à m’intéresser à la part d’invisibilité de l’histoire à travers le monde. De ces vies qui ont été vaincues et rendues inaudibles par des couches d’histoires transparentes et non racontées… couvertes par les mensonges terribles et les mensonges par omission.
Par ces souffrances qu’on préfère recouvrir d’un voile pudique ou pire encore qu’on conteste.