Les photographies de Gilbert Barry sont une affaire de lignes et d’affect, de couleurs et de silhouettes vives. L’éveil qu’elles suscitent n’est ni enluminure, ni rosaire, mais mise sous tension. Barry n’est donc pas un sociologue raté mais un véritable « poète » qui se plait toujours à insérer dans ses prises d’autres images. Le réel s’en trouve donc dédoublé.
Jouant au besoin de fausses perspectives, il nous fait entrer dans un champ socialisé où l’homme est en prise avec les images qui l’entourent. Souvent sans visages et parfois en simples silhouettes, ces curieux et passants s’embarquent sur des promesses dont la pompe de cale est une chimère à bras. Mais ils ne le savent pas, voire ne s’en soucient guère.
En des volumes homogènes et des motifs qui s’insèrent sur leurs murs se créent les ambiguïtés d’oppositions et diffractions
– cause/effet, essence/apparence. Barry pratique de la sorte la « dissémination » chère à Derrida : chaque œuvre introduit le leurre dans le leurre par le chiasme ou la césure des silhouettes égarées et écrasées dans un univers d’images où ils sont – plus quelles – accrochées.