Point de vue : tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’art contemporain
Aude de Kerros est une artiste peintre, sculptrice, graveuse, diplômée en droit et diplômée de Science Po Paris. Elle est également autrice de plusieurs ouvrages sur l’art contemporain, dont « L’Imposture de l’art contemporain, une utopie financière » chez Eyrolles, qui vient d’être réédité en livre de poche.
OPENEYE : Pour bien comprendre votre pensée, pouvez-vous nous dire brièvement ce qu’est l’art contemporain pour vous ? Et plus précisément pensez-vous qu’il y a un paradigme de l’AC*, par rapport à l’art classique et à l’art moderne ou qu’il s’agit plutôt d’une invention spéculative pour créer de nouveaux produits financiers ?
Aude de Kerros : Nous avons eu un échange pendant de longues années sur le contenu sémantique de « Art contemporain ». Nathalie Heinich, sociologue rigoureuse ne se prétend ni historienne d’art, ni philosophe et ana- lyse les pratiques dans le domaine de l’art sous l’angle des comportements collectifs. Pour y parvenir, elle forge ce qu’elle appelle « ses outils de travail » que sont les mots.
Dans un premier temps elle a désigné « l’Art contemporain » comme un « genre » de l’art : dans la suite d’un art « classique », « moderne », « figuratif », « abstrait », il y aurait donc aussi un art « contemporain ».
Je ne partageais pas cet avis car « l’Art contemporain » ne se veut pas de nature esthétique mais conceptuelle. Il se consacre à la déconstruction, d’idées, d’objets, de lieux, dans un but critique ou moralisateur. Plus récemment, il se proclame « défenseur des valeurs sociétales ».
*AC, souvent employé ici est l’acronyme de “Art contemporain”, désignant l’art labellisé tel par le haut marché et les institutions. Il correspond à une définition uniquement conceptuelle de l’art et ne peut être confondu avec « tout l’art d’aujourd hui ».