Le plus surprenant dans les rues de Lille pendant ce jour de confinement d’avril 2020, c’est la population que l’on voit.
Et celle qu’on ne voit plus. Plus aucun touriste. Plus de badauds. Plus de commerçants. Rapidement, trois populations apparaissent au milieu du calme apparent.
- les Joggeurs : certains rompus à l’exercice, objectif clair en tête et parcours défini. Ambiance de fin de peloton de marathon dans une ville vidée. D’autres, qui ont sorti le short pour la première fois depuis six ans, respirent mal, le regard vitreux, ils s’arrêteront probablement dans quelques minutes pour boire un demi litre d’eau tiède, avant de finir en Bref. Les joggeurs et les joggeurs du confinement.
- les Marginaux : quand Bruno, sans-abri habitué de Rihour et Rue Natio’ m’interpelle dans la rue à 100 m pour me demander un ticket resto, il n’y a que lui et moi dans cette artère à ce moment-là. Impossible d’ignorer les sans-abri qui ne se fondent plus dans le décor ; ils sont le décor. Près de la gare Lille Flandres j’entends quelqu’un hurler le tube de Toto Cotugno devant les terrasses vides pendant que, côté Euralille, un autre lui hurle « Subutex ! Méthadone ! ». Quelques insultes et quelques rires Des marginaux. Les oubliés qu’on ne peut plus ignorer.
- les Livreurs : Ubereats, Deliveroo, les seuls rassemblements que j’ai pu voir sont ceux des livreurs, répartis en essaim, à attendre la prochaine commande à livrer devant chaque restaurant proposant le Les rues sont vides de piétons et le rythme s’accélère. Certains jouent encore au foot place de l’Opéra, d’autres foncent en livraison.
Il faisait chaud ce jour-là, soleil de plomb, ambiance lourde, irréelle.
Le silence est encore plus troublant quand il est déchiré par un bruit de coup de pédale ou une unique voix chantant près de la gare.
Alban Gernigon
Avril 2020.
Lille en confinement. En isolement. En Insolation.