Le vendredi 13 mars 2020, le jour qui a tout changé est également le jour de naissance de la série Inside.
Durant l’après-midi, le Conseil fédéral suisse annonce le confinement et la fermeture des écoles, en live sur internet. Notre famille est déjà en quarantaine et je suis en train de faire des réglages sur mon appareil photo, je fais des images de contrôle. Je photographie mes enfants devant l’écran, puis mon fils au moment où il réalise qu’il ne retournera pas à l’école et que notre vie allait changer pendant plusieurs semaines. Il est désespéré. Moi aussi. Personne n’a anticipé la fermeture des écoles, c’est inattendu. Je perçois immédiatement les conséquences que cela aura pour mon métier de photographe… impossible de travailler, impossible de sortir, l’équilibre est rompu.
Que faire lorsqu’on est photographe mais qu’on nous intime l’ordre de rester à la maison, que les commandes sont annulées ou repoussées à des dates indéfinies ? La colère le dispute à l’amertume et aux soucis financiers. Pendant plusieurs jours, il m’est impossible de réfléchir sereinement ou d’envisager un projet, je dois avant tout m’occuper de mes enfants qui sont tristes et angoissés. Quelques jours passent, il nous faut trouver un nouvel équilibre pour ces semaines qui se profilent. Cet équilibre passera – entre autres – par un projet photographique.
Je décide de photographier mes enfants dans une perspective empathique, de dépasser l’angoisse qui nous étreint pour en faire quelque chose de spécial. Illustrer l’enfermement, mais aussi et surtout regarder mes enfants évoluer, avec leurs chagrins, leurs soucis mais aussi leurs incroyables ressources pour s’adapter et tendre au bonheur, quelle que soit la situation.
Si la démarche me permet de photographier – besoin vital – elle permet une autre interaction avec mes enfants. Ce reportage, c’est les valoriser, c’est reconnaître que ce que nous traversons n’est ni normal ni évident, et il permet de poser un regard particulier sur eux, de les observer longuement, de les voir vraiment, loin du tumulte habituel… C’est une manière de donner par l’attention et pas seulement de « prendre » des photos pour faire des images.
Florence Zufferey
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