Ma vie en 16/9 (journal de confinement)
“Le 16/9 c’est le format des fenêtres de cette barre moderne, énorme, grise, indépassable qui, confinée chez moi, me bouche l’horizon !
Confinement de la vue qui redouble le confinement de la vie. Redoublement de ce sentiment de frustration énorme, celui de ne pas sortir bien sûr mais surtout celui de rater par civisme la vision du Paris que je photographie depuis 20 ans, un Paris désert, abandonné par ses habitants, terrassé de solitude.
De l’accumulation de ces frustrations Hitchcockienne a jailli la lumière. Celle des vitres de mes voisins. Et si 16/9e, le format majestueux et distancié des grands panoramas photographiques et des télés de rêve, devenait pour moi celui d’une plus grande ouverture sur l’humain. Dans un curieux inversement des préoccupations, privée de ma thématique : solitude grise dans la ville, je me suis attachée à voir la vie
grouillante, multiple, émouvante, contrastée dans la rigueur de la contrainte uniforme de la barre d’habitation.
Ce qui apparait dans ce « journal de ma fenêtre » qui s’élabore chaque jour, ce qui explose sous mes yeux c’est l’absolue singularité des confinements. Chaque homme/femme dans son confinement comme chaque homme dans sa nuit va vers la lumière, de sa fenêtre sur le monde. S’éloigner pour se rapprocher. L’intime peut-il se dévoiler en 16/9e ?
Je n’avais, depuis 15 ans, pas un regard pour cette barre, cherchant mentalement à la faire disparaitre, ce virus me l’a révélée dans son humanité. Ce virus comme un révélateur des personnalités nous oblige à aller chercher plus loin encore en nous la réalité de nos émotions et il nous donne de plus l’opportunité et le temps de le réaliser.
Série prise d’un point de vue unique au 300 mm.
Cette série de plus de 110 images aujourd’hui a fait l’objet d’une exposition tout l’été dans la crypte de l’église St Merry à Paris. Elle sera également présente lors de la nuit blanche 2020.
Valérie Simonnet
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