Attentive aux êtres comme aux paysages, Anna Pizzolante les enveloppe d’une lumière étrange qui les transfigure et les fait muter mais sans les déformer. Loin de tout effet de nostalgie, la photographe remonte des figures – ce qui n’empêche pas de rêver à un éternel retour – dans ce qui tient d’un labyrinthe optique dont les amarres s’en vont au gré des prophéties photographiques et des gréements de la nudité.
Les prises sont propres à produire une fascination inquiète et un pont reliant le passé et le présent qui invite au voyage. Il y a là des traversées – subreptices ou irruptives – en un travail subtil entre pans, lambeaux et entrelacs de lieux souvent historiques qui nous regardent comme le « petit pan de mur jaune » regardait Bergotte. Même si la nudité reste la reine de telles expositions aussi ironiques que somptueuses [NDLR. Surtout dans la patrie de Calvin].
Elève du grand photojournaliste suisse Jean Révillard, Anna Pizzolante navigue entre images-vérités et scènes fictionnées. Ses photos expressionnistes montrent combien la photographe est sensible à divers chemins et atmosphères au sein des poses scénographiées. Qu’importe alors si les fleurs n’apprendront jamais à voler (à moins d’être attachées à une femme qui n’existe peut-être pas mais qui existe peut-être ici comme si elle était la « bonne »). Les photos évoquent à leur manière les blessures de la vérité par le mensonge de la fiction et le réel du monde qui se délite parfois à travers des traversées.
En filigrane un message semble serpenter : l’amour est le paradis vécu en un enfer perpétuel. Il s’agit de triompher du temps et trouver peut-être une forme de salut à travers celle que l’artiste offre. C’est peut-être une manière de changer en refusant de n’exister qu’à temps partiel. Les Nus que la photographe capture semblent maîtriser l’instant et ses flux. Et ce, là où le corps libre suit des chemins tortueux qui invitent à savourer la solitude, tout en voulant se prendre par la main.
Genève vaut bien le détour…